Si tu n'as pas encore connu l'invasion de l'émotion, ou alors il y a longtemps ou alors si tu as oublié, comme chantait Brel,

Chère lectrice, cher lecteur, chère et cher amateur de l'athlé,

Ou alors, c'est que tu n'es pas encore tout à fait amoureux de ce sport. Et surtout, tu n'as jamais eu la chance de vivre en direct au bord de la piste ses moments intenses.

Je t'offre une session de rattrapage. Primo, mets ton cœur en marche.

Quelle marche ?

La marche athlétique, celle que de valeureuses et valeureux athlètes pratiquent avec persévérance.

Tourne tes yeux vers cette splendide discipline et ses jeunes pratiquants.

Tiens, je vais te raconter ce qui s'est passé dimanche 3 décembre à Aubière. Un 2000 mètres avec huit concurrent(e)s sur la ligne de départ.

Ils avaient l'honneur d'ouvrir la compétition et ils ont eu la charge d'en supporter un aléa.

Des coups de pétoire pour rien

D'abord des essais de pistolet. Daniel Bocuze ( dirigeant du FAC Andrézieux et membre du Comité d'Athlétisme de la Loire, marcheur qui a bouclé la course Paris-Alsace, 500 bornes environ )  procède à des essais de départ. Coups de pétoire répétés. Au bout de quelques minutes, les huit marcheurs s'approchent de la ligne. Ils la voient bien eux. Mais comme elle a vieilli, la ligne, peinture éraflée par les milliers de pointes enfoncées, la caméra ne la voit pas, elle.

Les marcheurs repartent pour des allers-retours sur la ligne droite. Il faut se conserver les muscles prêts à l'action.  Un moment après, ils se présentent à nouveau. Même scénario. Ainsi de suite jusqu'à ce que les spécialistes parviennent à régler le matériel rétif. De longues minutes se sont sauvées. Les athlètes sont sur le grill.

Pan  ! La pétoire résonne pour de bon. Les voilà jetés dans la lutte contre le défilement infernal des chiffres au cadran numérique des chronos.

Les bras dans l'axe

Bon, j'arrête un instant ma narration. Flash-back comme on dit en français ( ou bien  rewind ) marche arrière.

Stéphane Fertin fait échauffer Simon Petiot et Anabelle Reifa, nos deux compétiteurs. Ils marchent un  moment puis font un peu de technique. Et quelques lignes droites : on part doucement et on accélère jusqu'à l'entrée du virage.

Le duo a tendance à balancer les bras de droite à gauche et retour. Stéphane ajuste leurs mouvements :

" Les bras dans l'axe. "

Un fois l'attitude rectifiée, il les envoie se changer.

Ils sont quasi prêts. 2000 mètres, c'est court quand on se balade, mais quand on s'arrache les tripes pour sortir un chrono, c'est drôlement long, surtout vers la fin.

D'où les recommandations de l'entraîneur qui en connait un brin en matière de compétition de haut niveau :

" Ne vous laissez pas embarquer par la vitesse du début de course. Je vous dirai si vous êtes dans les temps. "

Simon vise 12'30 ( son record personnel se tient à 12'48 ) et Annabelle doit réaliser au minimum 14'10 ( RP à 14'14 ).

 Retour à la course.

 Maintenant, ils y sont. Tout fonctionne, la ligne d'arrivée ne se dissimule plus. Le coup de pétard n'est pas fictif. La bande des huit démarre de... huit fois un bon pas. Les tours se succèdent.

La course s'est déjà bien étirée, cinq tours de 200 m accomplis par la tête. Stéphane observe ses deux maillots jaunes en marche. Il commente, pris dans le mouvement :

" C'est vraiment bien ce qu'il fait Simon. Il est en train de relancer. C'est très bien. "

Trois tours plus tard, Stéphane s'adresse directement au benjamin :

" Tu lâches pas ! Il te reste deux tours. Pousse ! "

Annabelle passe, à son tour. Son visage a rosi. Elle souffre, mais elle endure.

" Respire bien ! "

Une autre révolution ( le tour mesure 200 m et non 400 m comme sur une piste extérieure ). Simon se pointe de nouveau. Il suit un concurrent.

Stéphane l'exhorte :

" Allez Simon ! Passe, passe. Tes bras "

Le benjamin perçoit les encouragements. Il double un maillot orange. L'orange a encore du jus. Il sprinte quasiment jusqu'à la ligne d'arrivée et reprend la tête. Mais il reste 200 mètres, un tour à boucler. Simon ne panique pas. Il reprend le contrôle un peu plus loin et le conserve. Il se classe 1er de sa catégorie en 12'31"64 .  Il a pris 15 secondes d'avance au deuxième. Jusqu'au terme de cette décade de révolutions Simon a géré son effort et maîtrisé la tactique.

Record du club amélioré.

Vient le tour d'Annabelle. C'est dur pour elle. Stéphane n'en peut plus. Il soude son regard à son chrono. La jeune minime montre son courage. Elle agrippe ses toutes dernières forces pour ne pas craquer. Elle s'arrache jusqu'à la ligne en un magnifique final. Arrivée franchie, allure ralentie mais pas encore bien relâchée, elle s'avance jusqu'à la main courante du bord de virage. Elle s'appuie pour se reprendre. Stéphane se présente. Il pose sa main sur celle de l'athlète. Quelques secondes sans un mot. Il n'y a rien à dire. Les chiffres sur le tableau lumineux ont livré le verdict : 13'22"19/100. Annabelle vient d'exploser son record personnel de 52 secondes et d'établir un nouveau record du club.

Ils ont fait une belle course

Quelques minutes après, Stéphane rend hommage au duo qui a marché sans fausse note.

" Ils ont fait une belle course, à la lutte avec les autres marcheurs. ils ne se sont pas laissés distancer. C'était une belle épreuve et des beaux records battus. Annabelle 52 secondes et Simon 20 secondes. On avait prévu 1'15 au tour. C'est ce qu'il a fait, c'est de bon augure.

Ils sont partis dans l'allure, à peine plus rapide. C'est pour ça qu'Annabelle a un peu coincé sur la fin des deux kilomètres.

Ils ont fait ce qu'on avait prévu, et ils l'ont bien fait. "

Voilà,

Chère lectrice, cher lecteur, chère et cher amateur de l'athlé,

Il ne te reste plus qu'à regarder les photos de ce deux kilomètres ( 10 tours de piste, un fichu challenge mental ). Tu liras la souffrance et la détermination sur les traits d'Annabelle, tu noteras la concentration dans les gestes de Simon. Tu vivras leur effort, pas à pas. Et tu aimeras la marche.

                                                               PHOTOS