Franck Teyssier a conduit une équipe, les juniors, au titre de champions de France 2023 des 5 km sur route. Ce n'est pas un hasard. L'entraîneur a su tirer la quintescence de son quatuor, en extraire " la substantifique moelle " comme l'a écrit François Rabelais dans son Gargantua, personnage géant imaginaire, fils de Pantagruel tout aussi géant, tout aussi imaginaire.

Le titre national des juniors de l'ACSM est bien réel, lui.

Franck explique sa méthode.

Tu noteras au passage,

Chère lectrice, cher lecteur, cher tout court,

la modestie du propos pour amener la suite de la conversation avec l'entraîneur.

Un media, sinon à sensation, du moins cherchant à faire sensation, aurait annoncé en très gros caractères :

Champions de France : l'entraîneur révèle les secrets de sa méthode !

Après cette pseudo intro sensasionnaliste, place à l'entretien…

Quelles sont tes constantes, tes piliers de l'entraînement, pour faire progresser les jeunes ?

L'assiduité, la constance.

Voir loin. Accepter d'être dans la programmation. Ne pas systématiquement prendre tous les évènements comme l'échéance ultime.

J'expliquais que ce championnat de France était important. Et que quand on a un dossard, évidemment, le jour J on donne tout, mais on est aujourd'hui, dans une période de construction de la saison. Cet évènement là n'était pas un aboutissement.

Ce que je veux, c'est que Loan soit à son meilleur niveau aux championnats de France sur 1500 mètres cet été (NDR été 2024) ; c'est maintenant que ça se construit.

La période où on construit

On est dans la construction. On est dans la planification. On est dans l'anticipation et on n'est pas toujours sur l'immédiateté.

Aujourd'hui, notamment avec les réseaux sociaux, avec les informations continues, il faudrait tout le temps… Non, il y a des périodes où il faut savoir s'effacer, savoir travailler. On est exactement dans cette configuration actuelle. Entre septembre et fin décembre, c'est la période où on construit. On fait tout son travail foncier. On ponctue de quelques évènements. Et ça, c'en est un. Et c'est très bien parce que ça casse la monotonie, ça participe à la motivation, mais c'est la phase de construction.

Choisir, c'est savoir renoncer

Il y a une période, si on fait le parallèle, au printemps où, de la même manière, de la mi-avril à mi-juin, fin juin, c'est toute cette période où aussi on construit, on prépare sa saison estivale, pour ensuite aller chercher des performances de mi-juin à fin juillet.

Donc, savoir se projeter, savoir être patient, savoir accepter que d'autres vont peut-être aller faire des courses qu'eux ne feront pas.

Je leur dis souvent : Choisir, c'est savoir renoncer. On ne peut pas être partout. On ne peut pas tout faire.

On ne peut pas être sur tous les fronts et encore moins actuellement que lors de ma génération. Dans ma génération, c'était facile : on avait le cross l'hiver, la piste l'été. Aujourd'hui, on peut être sollicité avec des trails, des courses sur route, des courses départementales, des courses régionales, des courses un peu folkloriques, amusantes… Et tout ça, ça fait envie.

Un projet sportif

Si on regarde, la multiplication des championnats : les 5 km, les 10 km, les courses de montagne, la piste, les cross. Donc l'idée c'est d'avoir un projet sportif et tout mettre en œuvre pour le réaliser.

Le réaliser, ça passe par l'écoute, la patience et le collectif, bien évidemment. Ils se nourrissent tous les uns des autres. Ils s'apportent tous.   

Et puis, ne pas être dans - et là j'en reviens à la notion de réseaux sociaux - avoir confiance dans ce qu'on met en place et ce n'est pas le dernier qui a parlé qui a raison. Il se raconte tellement de choses ailleurs que… Mais ils sont dans cette logique là.

On le fait pour se faire plaisir

Ils te font confiance…

Oui, c'est sûr. Et puis le maître mot c'est : on le fait pour se faire plaisir.

Les filles font 4èmes par équipe…

Oui. Belle dynamique. Il y avait des sourires partout. Les filles ont battu leurs records. Chez les filles, les cadettes et les Juniores étaient dans la même course. Donc elles sont dans le même classement mais il y a un classement Cadettes et un classement Juniores.

L'équipe cadettes (Sarah, Anna et Jeanne)  fait 4ème. Nina Colombet n'est pas dans l'équipe car elle est juniore.

Belle course des filles, très engagées. Elles se sont fait plaisir. Elles ont couru dans de bonnes conditions. Et puis, au-delà de ça, sur un championnat, ce qui est important c'est les courses mais aussi tout ce qui se passe autour…

Des moments de partage

J'avais réservé un  grand gîte. On avait une athlète de Firminy, Amélie Thivel, qui était qualifiée. Son entraîneur Michel Duron ne se sentaity pas d'y aller tout seul, ils se sont greffés à nous. Ils ont partagé l'hébergement avec nous. Ils ont partagé les repas avec nous. Comme c'était un gîte, j'avais tout prévu au niveau des repas du samedi soir, petit-déjeuner et à midi dimanche, de quoi faire un casse-croûte. On était un groupe de 14, douze du club pour neuf athlètes engagés avec les chauffeurs dont Nathalie, Cédric le papa  de  Jeanne plus les deux  de Firminy, Michel et Amélie. On était quatorze. Ça fait une belle bande. Ces moents là, ce sont des moments de partage intéressants.

La réussite ne peut passer que par le collectif

L'athlétisme, la course à pied, c'est un  sport individuel à responsabilité collective…

Complètement.

Je le formule à peine différemment. J'ai coutume de dire que l'athlétisme c'est un sport individuel, le résultat est individuel, dont la réussite passe par le collectif. La réussite ne peut passer que par le collectif.

Si Loan aujourd'hui en est là où il en est, c'est parce que quelqu'un comme Julien (NDR : Julien Rabaca)  lui a énormément apporté : au niveau des entraînements, au niveau de l'aide, au niveau d'accepter un certain travail qui n'est pas  forcément la zone de confort de Loan au départ. Et Julien, avec plus d'expérience et de par ses qualités à lui, a pu l'amener vers ce registre là : progresser dans un  registre qui n'est pas le plus facile pour Loan. À l'inverse, Loan a énormément apporté à Julien sur des efforts beaucoup plus courts et plus rapides.

Et de la même manière aujourd'hui, Lorenzo est totalement investi dans son projet sportif et de fonctionner avec le groupe, avec Loan, ça lui apporte énormément.

Les filles sont très solidaires

Et les filles, elles sont très solidaires..Elles sont plus homogènes en terme de niveau, ce qui fait qu'elles peuvent encore plus travailler ensemble. Et ça, ça participe de leur réussite et de leurs progrès.

C'est important particulièrement là, maintenant.

Pourquoi maintenant ? Parce que dans très peu de temps, on va avoir un décalage horaire, on va avoir un changement de climat, on va avoir la période la plus ingrate entre le froid, la pluie, le noir. Et qu'est-ce qui fait qu'on ne se pose pas de questions pour aller à l'entraînement ? C'est parce qu'il y a le groupe.

Quand on est seul on se dit :

- Qu'est-ce que je fais ? J'y vais ? J'y vais pas ? Ah ! Peut-être pas…

Là, on ne se pose pas de questions. On se dit :

- Les copains y vont. J'y vais.