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La course à pied, au delà de l'effort physique parfois
extrême, c'est de la solidarité, c'est de l'amitié, c'est bien sûr les beautés
de la nature, si les conditions météo s'y prêtent. Mais parfois, ça peut
ressembler à Koh-Lanta. Objectif : survivre jusqu'à l'arrivée.
Depuis le début de l'année un genou récalcitrant avait éloigné Joël Murgue des sentiers forestiers qu'il affectionne (voir l'article où il confie sa passion ).
" Dans le courant de l'été, ça me démangeait un peu, j'ai repris, explique-t-il, en respectant quelques critères médicaux : surtout pas de bitume, que du chemin, raccourcir la foulée pour aller un peu moins vite, faire du fractionné long ( 800 à 1000 m au moins. ) plutôt que du court. Mon but, ce ne sont pas les podiums. C'est de me faire plaisir en montagne. L'important c'est de pouvoir courir, prendre l'air, pouvoir trottiner. "
Les tracasseries genouillères mises de côté, Joël s'est lancé sur les 26,3 Km de l'Eco-Trail de Praz de Lys ( Haute-Savoie ).
Le programme s'annonçait idyllique, ainsi présenté par les organisateurs :
" Dans les Alpes, en Haute–Savoie, pays du Mont-Blanc. A 1500m d’altitude, le plateau de Sommand (station de Praz de Lys / Sommand) est au cœur des plus beaux alpages du Faucigny, dans une nature idyllique à l’authenticité jalousement préservée. "
La
météo a quelque peu nuancé le tableau.
Pour la première fois de ma vie, j'ai eu peur en courant
Joël raconte :
" C'est plus une course de montagne parce que ça se passe aux environs de 2000 mètres. Il faisait un temps pourri, archi pourri, brouillard et pluie permanents, neige en haut et boue et tout... Je me suis cassé la figure maintes fois. C'était pas très long comme parcours, 26 Km, mais avec 2209 m de dénivelé positif, soit à peu près l'équivalent du marathon du Mont-Blanc sur deux fois moins de distance.
Sur ce terrain, il n'y avait aucun appui. Heureusement que j'avais des bâtons. Je manque d 'entraînement et j'ai surtout souffert au niveau des quadriceps. "
Il a eu la satisfaction de terminer sans trop souffrir du genou. Mais le parcours, lui, s'est avéré épouvantable.
" C'est la première fois de ma vie qu'en courant j'ai eu peur. À un moment donné, ils nous ont fait monter au sommet d'une montagne. ( NDLR : La Pointe Chalune altitude 2116 ) avec un aller-retour sur un chemin monotrace, au milieu des rochers sur une très forte pente. Il fallait pratiquement monter à quatre pattes. C'était trop dangereux, hyper glissant dans la boue et les rochers. Plein de gens se cassaient la figure. J'ai croisé une fille avec le genou tout ouvert.
C'est la première fois où vraiment j'ai eu peur. C'était un truc de folie. J'ai trouvé ça pas très raisonnable. Il y a eu pas mal de blessés.
Le but de la course à pied et du trail, c'est de prendre du plaisir
Je reconnais que là je n'en ai pas pris beaucoup. C'était une course pour faire un test, mais je n'ai pas pris beaucoup de plaisir parce que j'ai trouvé ça vraiment dangereux. Je me suis cassé la figure plusieurs fois. Heureusement je m'en suis bien tiré. J'ai glissé dans la boue. Mis à part le fait d'être couvert de boue, ce n'est pas gênant. J'ai eu quelques écorchures mais rien de grave, pas de chocs sur les articulations. "
Ce truc là, j'avais jamais vu ça !
" Une fois avec Philippe (Prost) on avait participé à une course du côté de Montmélian( Savoie ). C'était un peu similaire. Pluie et neige, les mêmes conditions atmosphériques. Dans la boue aussi. Plutôt spécial.
Malgré tout, je suis bien content de d'avoir fait l'Eco-Trail de Praz de Lys.
Entre coureurs, c'était relativement solidaire. C'était la galère ( NDLR : la gamelle aussi ).
Pour la fille qui s'est éclaté le genou, on a été quatre ou cinq à s'arrêter. Elle était vraiment dans un piteux état. Dans ce cas, on ne regarde pas si l'on est dans une course ou pas. On a appelé les secours. On a cherché des pansements, de quoi la soulager. "
Comme les marins pour les naufragés, les trailers ont fait montre de solidarité.
" C'était pas de bol, parce qu'il avait fait beau les autres week-ends. Cette édition a connu deux fois moins d'affluence que les autres années. Ça a dû en décourager plus d'un qui seront restés au lit en voyant le temps dimanche matin ! "
Mais comment a-t-il fait pour ne pas capituler ?
" Il y a un seul truc qui m'a énormément aidé pendant la course. C'est de savoir aussi qu'il y avait (il se tait un instant) mon ami Philippe qui disputait aussi une course de son côté. On a partagé des entraînements ensemble. C'est... C'est quelque chose qui aide dans les moments difficiles. Je savais que lui aussi était en train d'en baver. À son niveau aussi... parce qu'on n'est pas sur la même planète. Ça m'a énormément boosté pendant la course.
Un peu perdu dans la montagne, je n'avais pas de réseau, mais il m'avait déjà envoyé un texto. À peine après l'arrivée, j'ai su qu'il avait gagné. J'étais trop content pour lui. Il a super bien géré, avec la maturité nécessaire. Je sais qu'il a la capacité et l'humilité pour. Il se donne la peine. On a eu la chance de faire deux ou trois séances d'entraînement tous les deux. Partager des séances d'entraînement dans les côtes, ça fait du bien. "
Des photos de la course ?
" À l'Eco-Trail, il y avait tellement de brouillard, un brouillard à couper au couteau, un temps exécrable, que je ne sais même pas s'il y aura des photos. "
Les résultats : Joël se classe 131ème sur 191 arrivants en 5H36'59. Le vainqueur a mis 3H14 et le dernier finisher 7 heures.