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Savez-vous ce que c’est, s'entraîner ?
Ayant vécu au 17ème siècle ( attestation officielle de Messieurs Lagarde et Michard ) Marie de Rabutin-Chantal, célébrissime Marquise de Sévigné ( 1626-1696 ), pétulante femme de lettres bien avant nos modernes préposé(e)s, avait décrit à sa façon la fenaison :
" Savez-vous ce que c’est, faner ? Il faut que je vous l’explique : faner est la plus jolie chose du monde, c’est retourner du foin en batifolant dans une prairie. "
Il faut à mon tour que je vous explique,
mes chères lectrices et mes chers lecteurs,
Que la sémillante marquise a rendu une visite impromptue et passée complètement inaperçue à nos benjamin(e)s et minimes un soir d'entraînement au gymnase du Mazel. Discrètement engoncée dans un recoin sombre des gradins, elle n'a rien perdu du spectacle et de sa plume leste elle vous décrit les scènes auxquelles elle a assisté.
Un avertissement toutefois pour réclamer votre indulgence car son regard aiguisé méconnait grandement les mœurs, les matériaux ou tenues vestimentaires de notre 21ème siècle et que les coutumes fort éloignées de son 17ème siècle ne l'autorisent porter qu'un jugement largement désuet et incomplètement pertinent sur des pratiques qui ne pouvaient que la décontenancer.
Savez-vous ce que c’est, s'entraîner ? Il faut que je vous l’explique : s'entraîner est la plus jolie chose du monde, c’est quittant un coin du lieu que les Anciens eussent dénommé palestre, s'en retourner en un autre coin batifolant.
Ainsi remarque-t-on en ce lieu baptisé du Mazel, de jeunes gens se former à différents exercices du corps, le plus souvent en vaines chevauchées sans destrier dont ils sont tous dépourvus, les pieds calfeutrés en de curieux chaussons de couleurs voyantes mais fort seyants.
Force jouvencelles et jouvenceaux, à maints moments dans l'allégresse, empreints de la vigueur et de la fraischeur de la jeunesse, s'esbattent en tous sens suivant, à ce qu'il me paraît, un ordre établi par quelques personnes en âge de raison et dans la force des années, usant modérément d'autorité sans qu'il en découlât un désordre qu'on eût pu redouter.
Autre part, telle chose m'a causé un grand étonnement et m'a paru vaine et grandement frivole.
On se saisit à deux mains d'un petit pois bleu exagérément enflé et on le darde de force et de roideur avec une seule main. Il s'agit, paraît-il de lancer l'objet le plus loin possible. N'ont-ils rien à faire autre que se livrer paisiblement à d'inutiles amusements lors qu'ils pourraient intelligemment et vivement quereller pour passer le temps ?
Pour savoir bien courir, sachez le, il ne suffit point de prendre ses jambes à son cou. Il faut tout premièrement se trousser et se ceindre d'une corde liée à un curieux cerceau d'une matière noire inconnue, possiblement rapportée des Indes Orientales par un de nos intrépides galions défiant le péril horrible de pirates sans pitié. Puis se mettre à traîner la charge telle une mule l'araire au champ. Mais que diable n'usent-ils ainsi leurs forces pour utilement besogner ?
Et, lorsque délesté de cet étrange équipage, on se prend à se mouvoir d'une excessive vélocité, on se jette soudainement de toute sa hauteur sur toute sa longueur, la panse contre terre puis on soulève son poitrail à l'aide de ses bras, puis on l'abaisse et l'on recommence pareillement. Et ainsi de maintes fois sans que je puisse entendre goutte à ces manœuvres singulières. Qui, au reste, pourrait m'éclairer sur cette action ridicule ?
Sachez présentement que vous n'avez pas encore tout vu. D'aucuns, lassés sans doute de galoper d'un mur à l'autre, se mettent à s'élever de terre avec effort, non point comme nous l'entendons par grand contentement et bondir de joie, mais pour franchir inutilement à ce qu'il me paraît, une corde disposée à mi-hauteur au travers de leur cheminement. Quand je songe qu'il leur eût suffit de légèrement incliner le buste pour la franchir sans sauter, ou encore de détourner leur marche de quelques pas de côté pour l'éviter... Je ne puis m'empêcher de qualifier cet exercice de plaisante folie mal faite pour contenter mon entendement.
Enfin, chère lectrice, cher lecteur,
Fors votre indulgence que je connais infinie, vous voilà réduits à faire, ou non, vos délices de la lecture de cette épître, à laquelle vous vous garderez fort d'attacher un grand prix, bien qu'elle fut porteuse de la vaine espérance de vous divertir même de si légère façon.
En autre part, je vous dis la résolution de ne me plus m'engager dans telle sottise et m'évanouis avec ma plume pour mon cher château de Grignan d'où l'on m'a soudainement extraite sans grand ménagement.
Représentations Numériques d'un entraînement
Marie de Rabutin-Chantal marquise de Sévigné
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